12/11/2009

Charles de CASTELNAU


Le décapité de la conjuration d'Amboise.

l'exécution des conjurés d'Amboise

Quand le roi Henri II meurt en 1599, le nouveau roi François II, son fils aîné, n’a que quinze ans, de santé fragile et inexpérimenté. Fils de Catherine de Médicis, il a épousé, l’année précédente, Marie Stuart déjà reine d’Ecosse. Le pouvoir est alors sous la tutelle des Guise: François duc de Guise, et Charles cardinal de Lorraine, oncles maternels de la reine

Cette mainmise du pouvoir et l’arbitraire des mesures prises contre les protestants est contestée par un mouvement d’opposition mené par les deux principaux Princes du sang que sont Louis de Condé et son frère aîné Antoine de Bourbon, roi de Navarre. Mais, prudents,  ces derniers ne souhaitent pas ouvrir un conflit direct avec la Cour et les Guise.

Résolu de mettre un terme à la persécution et de faire reconnaître le droit du culte réformé, un groupe de gentilshommes provinciaux et protestants montent alors le projet de renverser le gouvernement des Guise et de confier le pouvoir à un conseil de régence où les princes de sang, gagnés à la nouvelle religion réformée, et légitimes à gouverner, devraient tenir la première place. C'est la conjuration d'Amboise. L’instigateur principal de cette conjuration, ou plutôt le chef apparent, est un gentilhomme du Périgord, Jean de Barry, seigneur de La Renaudie, converti au calvinisme lors d’un exil en Suisse.

La noblesse du Sud-Ouest, toujours  turbulente, s'enrôle en masse dans cette opposition politique et religieuse. "Il n'estoit pas fils de bonne mère qui n'en vouloit gouster", sans doute bien plus contre les Guise que contre le Pape.

Ainsi, Charles de Castelnau répond à l’appel de La Renaudie pour la Gascogne, comme le font par ailleurs le capitaine Mazères pour le Béarn, et Le Mesny pour le Limousin et le Périgord. Le baron de Castelnau est alors l’homme le plus considérable du parti de ces "capitaines vaillants et bien expérimentez", tant par sa naissance que par son mérite personnel.
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Né vers 1500, le baron Charles de Castelnau est issu d’une très ancienne famille remontant au-delà du XIIIe siècle, dont le berceau se situe sur les terres de Castelnau, petit village du Tursan au bout duquel on peut encore voir la motte féodale du château primitif disparu.

Il est le fils de Louis de Castelnau, baron de Castelnau, Miremont, Buanes, Batz,  auteur de la branche aînée des Castelnau-Tursan. Deux de ses frères décédés, Antoine à Tolède en 1541 et Louis en 1549 ? , se sont succédés comme évêques de Tarbes, et le cadet Pierre, capitaine de cent hommes d’armes a été écuyer du duc d’Orléans.


Petits seigneurs, les Castelnau, vassaux directs du roi anglais duc de Gascogne ont, à partir du XIIIe siècle, assis leur ascension sur leurs services militaires et sur le chois de leurs alliances.

Ainsi, à l’issue du longue querelle, un Geraud de Castelnau est tué en 1273  par le seigneur de la maison rivale de Miremont et ses hommes,  qui vaut à ce dernier la confiscation de la seigneurie par le roi-duc qui la donne un temps au lignage des Castelnau, entre les mains de Raymond-Bernard I, le fils, qui rend hommage au roi d’Angleterre dont il est le vassal direct. Une union matrimoniale des deux familles en 1309 fait entrer les domaines des Miremont dans la maison de Castelnau.

Son fils, Pierre de Castelnau fait construire un château à Geaune qui devient la résidence de ses successeurs, et fonde la bastide sur le territoire de la commune de Pantagnan, par un paréage conclu avec le sénéchal de Guyenne en 1318 pour le compte d’Edouard II d’Angleterre

Au XIVe siecle, Raymond-Bernard II de Castelnau, après avoir participé à la lutte entre les comtes d’Armagnac et de Béarn, épouse, en 1330, Bearnèse de Foix, la sœur naturelle de Gaston III Phebus , et une de ses filles épousera le seigneur de Morlanne, frère naturel de Gaston III de Foix-Bearn.

Au XVe siècle, les barons de Castelnau  finissent par dominer l’ensemble de la région du Tursan. Cela leur vaut la dénomination de Castelnau-Tursan, bien qu’ au XVIe siècle ils étaient désignés sous le nom de Castelnau-Chalosse.Le baron de Castelnau est ainsi nommé dans leurs mémoires par Henry IV, d'Aubigné,  La Force, son ami, et Vignolles, son compatriote et voisin 
 
Aussi, au XVIIe s, les Castelnau joignirent à leur nom celui de Castille, qui viendrait de la tradition leur attribuant comme ancêtre et premier seigneur un puîné de Castille
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Une première assemblée des conjurés se tient à Nantes au début du mois de février 1560. La levée d’un corps de cinq cent gentilshommes et plus de mille hommes d’infanterie y est organisée. Ces troupes doivent se diriger vers Blois, Orléans et Tours.

Cependant, dès le 12, la Cour reçoit plusieurs avertissements et dénonciations sur l'existence du complot. Face au danger grandissant, la reine mère Catherine de Médicis et le Conseil  décident de faire des premières concessions, telle l’amnistie générale négociée par Condé, d’Andelot, Coligny et Odet de Chatillon, offerte aux protestants à l’exception des conspirateurs, par un édit du 8 mars 1560. Mais il est trop tard.

 La Cour quitte alors le château de Blois pour celui d’Amboise plus facile à défendre.


L’action des conjurés, initialement prévue pour le 6 mars, est décalée au 16 puisqu’il s’agit de s’infiltrer et investir un nouveau lieu. Une réunion se tient au château de la Carretière, à six lieues d’Amboise. Il y est convenu qu’une cinquantaine d’hommes doit pénétrer dans la ville et qu’une trentaine doit s’infiltrer dans le château à l’aide de complicités. Au jour fixé, Castelnau et Mazères à la tête de cinq cent hommes rassemblés  dans les bois proches doit envahir Amboise puis, au signal, le château dont les portes auront été ouvertes  
 

 De son coté, la noblesse catholique est appelée à défendre la couronne et se répand dans tous les environs d’Amboise. Le duc de Guise lance sa cavalerie dans les bois voisins pour surprendre et intercepter les petites troupes qui s’en  rapprochent, et les premières arrestations ont lieu à partir du 10 mars

Parti de Tours après avoir échappé à une tentative du comte de Sancerre pour le capturer, le baron de Castelnau rejoint le château de Noizay, situé à une dizaine de kilomètres au nord Ouest d’Amboise. Là, y sont déjà rassemblées des troupes, des armes et des munitions.

Mais,  dès le lendemain matin, deux de  ses compagnons gascons, les capitaines Raunay et Mazères se laissent surprendre aux abords même de leur repère par le duc de Nemours. Castelnau y échappe de peu à la capture et s’enferme dans le château dont il fait barricader les portes et lever le pont.

Il n’a le temps que d’écrire et informer La Renaudie, car, après avoir emmené ses prisonniers à Amboise, le duc de Nemours revient avec le renfort d’une compagnie d’arquebusiers. Alors, sans attendre d’éventuels secours, et voyant la résistance inutile, le baron de Castelnau  entre en pourparlers avant de se rendre sur parole au Duc qui lui promet de  l’introduire auprès du roi pour y exposer ses griefs et requêtes invoqués, et de lui laisser ensuite la liberté de se retirer. Le baron accepte alors de suivre Nemours avec ses gens désarmés.

 les troupes du Duc de Nemours encerclent le château de Noizay où s 'est enfermé le baron de Castelnau.

Malheureusement, arrivé à Amboise avec la quinzaine de ses amis et leurs gens, il est, non pas conduit vers le Roi, mais aussitôt jeté dans un cachot.

L’affaire tournant mal, Condé, supposé chef muet et appui secret de la conspiration, se sentant piégé, rejoint Amboise et les défenseurs du Roi

Le 17 mars, une dernière attaque désespérée sur Amboise est tentée en vain, mais une véritable chasse à l’homme est ouverte dans tous les environs pour capturer les suspects d’avoir participé à l’entreprise, conjurés, soldats, paysans.Les prisonniers sont pendus, ou massacrés dans les rues de la ville, ou jetés attachés dans la Loire.
Le chef de la conspiration, La Renaudie est tué au combat le 19 mars dans la forêt de Châteaurenault avant d’être ramené à Amboise pour y être écartelé et les parties de son corps exposées à chaque porte de la ville.

Les Guise ayant décidé  de faire un exemple,les premières et terribles exécutions commencent dès le 17 mars.
Après interrogatoires et un court procès, Castelnau, qui étonne par sa connaissance de la doctrine calviniste, est condamné à mort. Malgré les oppositions et interventions du duc de Nemours,  de l’amiral de Coligny, du duc de Longueville et même du duc d’Aumale, frère puîné des Guise, aucune grâce ne lui est consentie. (on dit même que la reine mère se joignit à eux en souvenir du fait que Castelnau avait un jour sauvé la vie du duc Charles d’Orléans menacé par la population a Amboise. Peut-être s’agit-il de Pierre de Castelnau, frère cadet de Charles et écuyer du duc d’Orléans, et mort a Amboise vers 1536),

Dans son histoire de France, François de Mezeray écrit :
 «  Comme on prononçait à ce dernier sa sentence de mort, entendant ces mots, pour crime de lèse-majesté, il s’éclata d’un ton de voix hardi et courroucé, disant : Je n ai jamais attenté ni sur la sacrée personne du roi, ni sur celle de la reine sa mère, de la reine son épouse, ou de messieurs ses frères et princes de sang, qui sont les personnes dont les lois du royaume ordonnent de révérer la majesté. Que si l’on prétend que je sois coupable de ce crime pour avoir pris les armes contre les Guise qui sont étrangers et qui ont usurpé le gouvernement sur les princes, il faut auparavant les déclarer rois »

Les quinze principaux chefs rebelles sont donc exécutés. La plupart sont pendus aux balustrades des fenêtres
de la façade nord du château, trois ou quatre sont roués vifs. Les gentilshommes,dont le baron de Castelnau,
ont  l’honneur d’être décapités
 
Se plaignant plus de la trahison du duc de Nemours que du châtiment, « le sieur de Castelnau, gentilhomme de fort bonne maison, l’appela cinq ou six fois sur l’échafaud traître, très méchant et indigne du nom de prince ». On raconte que le dernier décapité, Adrien de Villemongis, trempa ses mains dans le sang de ses compagnons et les leva au ciel en criant:
« Seigneur, voicy le sang de tes enfants. Tu en feras la vengeance »
(Les Mémoires du maréchal de Vieilleville attribuent ce geste au baron de Castelnau).
 
 
 
Et, de fait, le chancelier François Olivier chargé d’instruire leur interrogatoire et procès, en est si ébranlé qu’il tombe subitement malade et meurt à la fin du mois. Le jeune et fragile roi François II meurt le 2 décembre, et le duc de Guise sera assassiné en février 1563

Ce mois de mars 1560 fut une véritable boucherie à la suite de laquelle les rois de France cessèrent de venir au château d’Amboise, mais surtout que la lutte entre les Catholiques et les Protestants dégénéra, annonçant près de quarante ans des Guerres de Religion, de 1562 à 1598.


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La fin des derniers barons de Castelnau
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Geaune

Jacques I de Castelnau

Le fils de Charles,  Jacques Ier de Castelnau, né en 1555 au château de Sorbets lui succède. Elevé dans la religion catholique, il a été jeté dans le parti protestant par la haine des Guises, meurtriers de son père, et sans doute aussi par l’influence de son épouse protestante Jeanne de Gontaut-Saint-Geniès, la fille aînée du lieutenant-général en Navarre et Béarn, Armand de Gontaut Badefol seigneur de Saint-Geniès., qu’il a épouse au château de Pau en 1589. Mais il semble qu’il servit davantage la politique de son parti qu’il n’accepta de manière absolue les idées religieuses de la Réforme. Bien qu’assurant l’assemblée protestante de La Rochelle de son dévouement, il assistait à la messe à la Cour, et, à sa mort, se montra bon catholique. Cette double conduite, sans doute mue par ses propres intérêts,  ne l’empêcha pas d’être un hardi et fidèle capitaine huguenot au service d’Henri de Navarre, futur roi Henri IV (qui lui aussi changea plusieurs fois de religion au gré des évènements).
En octobre 1592, et bien que n’y possédant aucune seigneurie, il est fait le Sénéchal du Béarn  pour succéder à son beau-père, de Saint-Genies, qui vient de mourir. Après six ans de conflit avec le Conseil des Etats, il doit y renoncer
Sénéchal de Marsan et Tursan, il récupère le gouvernement de la ville de Mont-deMarsan en 1594 apres la reprise de la ville par Henri de Navarre
Il obtient de Louis XIII en juillet 1619 l’érection de la baronnie en en marquisat
A l’été 1621, le baron de Castelnau, maréchal de camp, rejoignit, avec Jacques II son fils cadet, l’armée royale du jeune Louis XIII pour le siège du bastion protestant de  Montauban. Mais, après l’échec cuisant de la campagne, et victime de la peste qui ravageait  les troupes, il ne réussit pas à regagner ses terres de Tursan et mourut sur le chemin, à Bourret, près de Verdun sur Garonne. Il fut inhumé aux Augustins de Geaune, donc dans une église catholique, et le Chapitre d’Aire assista à ses obsèques)

 
Jacques II de Castelnau
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L’année suivante, Jacques II, baron de Miremont, alors capitaine d’une compagnie de chevaux-légers,  défendait la ville de Tonneins tenue par les protestants et assiégée par les troupes royales, donc du parti catholique. Il y fut tué d’un coup d’épée  le 20 mars  lors d’une sortie. Ironie du sort, il fut tué par un marquis de Castelnau (en Périgord), Henri Nompar de Caumont,  second fils de celui qui devint duc de La Force (lequel duc, pourtant ancien chef de guerre protestant, servait désormais le roi qui le créa maréchal de France puis Pair !)


Antonin de Castelnau
 
Fils aîné de Jacques I de Castelnau, né vers 1585,  il se trouva entraîné dans le parti protestant par son éducation maternelle, et en 1616 épousa Jeanne de Vallier, fille du baron de Vallier, fervent combattant de la religion prétendue réformée, qui venait de s’emparer de la ville d’Aire sur Adour et soutenu le siège des troupes catholiques

Déjà sénéchal des pays de Marsan, Tursan, Gabardan et Bas-Albret, il succéda à son père qui l’avait associé dès 1613 au gouvernement de Mont-de-Marsan dont  il obtint pour lui la survivance. Mais de caractère remuant, orgueilleux et ambitieux, et sans doute encouragé par le succès des protestants à Montauban, il entreprit dès 1622 de prendre Mont-de-Marsan au nom de l'assemblée de La Rochelle, et de soulever tout le pays d'Armagnac et de Marsan., jusqu'à l'intervention du marquis de Poyanne qui obtint sa soumission et la démission de son gouvernement contre 60 000 livres, lui conservant seulement sa charge de sénéchal.
Il  fut tué a Gravelines en janvier 1636 lors de la guerre menée en Flandres par Richelieu contre les espagnols
entrant ainsi dans la guerre de Trente Ans
 
Il n'eut pas d'héritier mâle. Sa fille dite JeanneMarie de Castille, devenue seule héritière du marquisat de Castelnau, épousa, en 1639, le catholique Henri Gabriel de Baylenx, qui n'est autre que le fils du marquis de Poyanne ayant combattu son père.
Par cette union, les domaines des Castelnau entrèrent dans la maison rivale des Poyanne 

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