10/11/2009

Adèle DUCHATEL


La très jolie fille d'Aire, éphémère maîtresse de Napoléon


Sur la quarantaine de femmes que l'infidèle Napoléon a sans doute connues, on s'accorde à dire que trois seulement ont exercé un certain et véritable attrait sur lui : la martiniquaise Joséphine de Beauharnais son épouse, la polonaise Marie Walewska et ... la landaise Madame Duchâtel, née Papin !

Cette Madame Duchâtel n'est autre que Marie Antoinette Adèle Papin , issue d'une famille de notables, juges et avocats, installée à Aire-sur-l'Adour, où elle naît  le 4 juillet 1782. Elle est la fille de Jean-Baptiste Papin, lui même né à Aire en 1756, avocat et receveur des Finances de la Ferme Générale, élu par la suite représentant du peuple au Conseil des Anciens en 1797, puis  membre du Corps législatif en tant que député des Landes en 1799. Sa mère, Marie-Baptiste Francine de Saint-Christau, quartier du village de Benquet, épousée à Larille en 1780, est la fille d'un négociant, née à Saint-Sébastien en 1762.

Alors qu'elle n a pas vingt ans, elle épouse, le 13 avril 1802, un collègue de son père, le déjà vieux Charles Jacques Nicolas Duchâtel de plus de trente ans son aîné. Celui-ci, issu d'une famille de petite noblesse normande se faisant appeler Du Châtel de Saint-Pierre jusqu'à la Révolution, En 1799, après le coup d'état du 18 brumaire et, dit-on sur la recommandation du consul Roger Ducos, il a été nommé Conseiller d'Etat par Bonaparte, après avoir été successivement directeur et receveur général des Domaines du Roi, puis de l'Enregistrement, à Bordeaux, et député de la Gironde au Conseil des Cinq-Cents.


C'est, selon ses contemporains une très jolie jeune femme aux beaux yeux bleus foncé et cheveux blonds      " faite pour plaire, tant par sa grâce naturelle que par celle qu'elle voulait avoir. Elle avait de plus un fort joli visage, de belles dents qu'elle savait faire valoir, un nez aquilin qui se faisait peut-être un peu trop valoir sans qu'elle s'en mêlât, et quoique assez maigre, une grande distinction dans la tournure"
La duchesse d'Abrantès écrit dans ses Mémoires qu'elle possédait "un charme irrésistible dans le regard prolongé de son grand oeil foncé à double paupière" .et conclut  " de tout ce que je viens de dire, il résultait un ensemble qui attirait d'abord, et puis qui attachait". 
Madame de Remusar ajoute cependant  que " ses yeux avaient toutes les impressions qu'elle voulait leur donner, hors celle de la franchise, parce que les habitudes de son caractère la portaient à la dissimulation" .


Accompagnant son vieux mari, la belle jeune femme ne tarda pas à être remarquée par Bonaparte. Il invita le couple à Malmaison vers la fin du Consulat avant de faire en sorte qu'elle fasse partie des nouvelles dames du palais de Joséphine à la proclamation de l'Empire, alors même que sa naissance roturière, sa position, ou son passé, ne la désignaient pour un tel emploi.

La duchesse d'Abrantès, précise qu'elle parut effectivement dans le monde un peu avant l'époque du couronnement en 1804. L'empereur et Joséphine étaient encore à Saint-Cloud lorsque qu'elle  vint y prendre son service. Il semble que Joséphine fut alors pleine de bienveillance pour elle et lui montra une préférence marquée qui, a t'on raconté,  n 'était d'ailleurs peut-être pas désintéressée, sachant que son fils Eugène de Beauharnais l'avait également distinguée et l'entourait de soins attentionnés et assidus. Des lors elle suivit la cour imériale au palais des Tuileries et dans les résidences de Saint Cloud et de Malmaison.




On ne sait quand commença la liaison avec Bonaparte. Pourtant, le 5 août 1804, la jeune femme donna naissance, en sa résidence du 2 rue de Choiseul,  à  son second fils prénommé Napoléon Joseph Léon.( Un premier enfant était né le 19 février 1803). A cette occasion, l'Empereur lui aurait envoyé son portrait enrichi de diamants (elle refusa les diamants) et le tout nouveau couple impérial accepta d'être parrain et marraine. Aussi, les bruits les plus insistants coururent, si bien que certains  n'hésitèrent pas à désigner le père probable, et que cet enfant est parfois inclus dans la liste des enfants naturels de l'Empereur.


C'est  en novembre 1804, depuis le voyage fait à Fontainebleau pour recevoir le Pape, que Joséphine nota le comportement singulier de Napoléon. En décembre, quelques jours après le sacre, lors d'un souper qui suivit la fête offerte par le maréchal Berthier aux princes et grands dignitaires, Madame Duchâtel était à la table d'honneur de l'Impératrice La duchesse d'Abrantes écrit: " De tout cette immense assemblée qui avait les yeux attachés sur l'Empereur, il n'y eut que moi et l'Impératrice peut-être qui reçûmes une communication immédiate de la chose comme elle était réellement. C'était de l'amour, et non pas une préférence plutôt insultante qu'honorable… C'était un amour comme aux jeunes années ; et la voix de Napoléon, son regard, tout en lui m'en donna la preuve dans la soirée"


Le fidèle valet Constant raconte que l''Empereur attendait chaque soir pour se rendre chez sa maîtresse, que tout fût endormi au château, et poussait même la précaution jusqu'à faire le trajet qui séparait les deux appartements avec un pantalon de nuit, sans souliers ni pantoufles.

"Je vis une fois le jour poindre sans qu'il fût de retour, et craignant le scandale, j'allai, d'après l'ordre que l'Empereur m'en avait donné lui-même, si le cas arrivait, avertir la femme de chambre de Mme Duchatel pour que, de son côté, elle allât dire à sa maîtresse l'heure qu'il était. Il y avait à peine cinq minutes que ce prudent avis avait été donné, lorsque je vis revenir l'Empereur dans une assez grande agitation dont je connus bientôt la cause ; il avait aperçu à son retour une femme de l'Impératrice qui le guettait au travers d'une croisée d'un cabinet donnant sur le corridor. L'Empereur, après une vigoureuse sortie contre la curiosité du beau sexe, m'envoya vers la jeune éclaireuse du camp ennemi,pour lui intimer l'ordre de se taire, si elle ne voulait point être chassée et de ne pas recommencer à l'avenir.Je ne sais s'il n'ajouta à ces terribles menaces un argument plus doux pour acheter le silence de la curieuse, mais, crainte ou gratification, elle eut le bon esprit de se taire."


Finissant par soupçonner son infortune, l'Impératrice "mit tout son personnel d'espions de campagne pour surprendre son mari".mais celui-ci, renseigné par sa police, se montra plus prudent. Il fait même louer par son valet une maison dans l'allée des Veuves près des Champs Elysées ( actuelle avenue Montaigne) ou il peut aller la retrouver.

Malgré toutes ces précautions, Joséphine, découvrit bientôt les preuves qu'elle redoutait, et faire éclater aux Tuileries un scandale dont toute la Cour se régala.Un jour, à Saint-Cloud, alors qu'elle était entourée d'un cercle assez nombreux, elle vit Mme Duchâtel sortir discrètement du salon et ne pas y revenir. Elle sortit à son tour voir son Empereur de mari et ne le trouvant pas dans son cabinet, monta par un escalier dérobé dans le petit appartement qu'elle trouva fermé, et entendit les amants tardant à lui ouvrir et sortant dans un état de désordre qui ne laissait pas le moindre doute. Mme Duchâtel s'enfuit en larme et regagna Paris  puis une violente dispute éclata entre Napoléon et Joséphine, délectant les témoins silencieux.

Des clans se formèrent,  Murat, le beau frère, et son épouse la princesse Caroline, jeune soeur de Napoléon, prirent la défense de Mme Duchâtel, alors que les Rémusat protégèrent Joséphine. Mme Mère, la reine Hortense, s'en mêlèrent, les soeurs de l'Empereur répandirent généreusement leur venin, et la Cour vécut dans une malsaine atmosphère d'intrigues et de ragots d'antichambres.

Napoléon continua pourtant à aller retrouver sa maîtresse en cachette.Leurs rendez-vous avaient lieu dans la maison de campagne de Murat à Villiers.Le maréchal offrait ses bons offices en servant de couverture et se faisant passer pour l'amant de la jeune femme afin de détourner les soupçons de l'Iimpératrice.C est à l'occasion d'une de ces rencontres, durant lesquelles il arrivait à Géraud Duroc de faire le guet, que l'Empereur, se croyant surpris par un passant, bondit vers un mur et l'escalada pour sauter dans un jardin, "d'une si grande hauteur, raconta la reine Hortense, qu'il courut le risque de se blesser".
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Le mari et le père d'Adèle furent bien récompensés et honorés. En 1807, Monsieur Duchâtel. recut , outre d'importantes dotations, la Sénatorerie d'Alençon, puis fut crée Comte d'Empire en 1808 et Grand-Officier de la Légion d'honneur en 1811.

Le père Papin, discret pendant la Révolution mais rallié à Bonaparte dès le coup d'état du 18 brumaire,  ne fut pas oublié. Il passa du Corps législatif au Sénat conservateur en 1804 . Le 13 avril 1808, c'est lui qui hébergea l'Empereur qui se rendait à Bayonne, dans son hôtel particulier de la rue Armand-Dulamon (aujourd'hui disparu ) à Mont-de-Marsan. Joséphine y fut également  reçue le 26 avril.et soupa avec Papin et sa fille. Créé comte d'Empire le 8 mai 1808 (comte de Saint-Christau - du nom de sa femme et d un hameau de Benquet.  Il mourut cependant peu après à Paris, le 3 février 1809, à l'âge de cinquante-trois ans.et eut l'honneur d'être inhumé au Panthéon ! Sa veuve mourut en son Château-vieux de Benquet le 24 mai 1827.

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Madame Duchâtel semble avoir été amoureuse sincère et désintéressée.Mais peut-être était-ce de l'habileté. L'apparente douceur et le détachement pouvaient cacher une intrigante déterminée.

De fait, la liaison ne dure que deux ans et prend fin à l'été 1805 lorsque Napoléon part pour l'Allemagne et l'Autriche, vers les vistoires d'Ulm et d'Austerlitz. Encore qu'à la fin février, à la Malmaison  il se conduisait toujours avec une désinvolture stupéfiante, puisque. Mme de Rémusat raconte qu'il se promenait dans les jardins avec Mme Duchâtel alors que Joséphine demeurait seule dans sa chambre.

En réalité, Napoléon pretexta, pour s'en éloigner, avoir senti naître chez elle l'ambition de devenir la favorite, et décida de mette fin à la liaison avec une maîtresse devenue gênante.Il fit réclamer les lettres compromettantes par Duroc, et demanda à Joséphine de l'aider à rompre.Celle-ci, magnanime " s'opposa à ce qu'aucun éclat fût fait à cette occasion, et même assura son mari que, s'il allait changer de manières avec Mme Duchâtel, elle, de son côté, en changerait aussi et s'efforcerait de la soutenir et de couvrir le tort qu'un tel éclat pourrait lui faire dans le monde.". Ce fut fait

Mme Duchâtel ne broncha pas. Devant la Cour qui la surveillait, elle conserva, dit-on, une attitude froide et contenue "qui prouva que son coeur n'était pas fortement intéressé à la liaison qui venait de se rompre". Elles resta d'ailleurs au service de Joséphine et dut assister à l'ascension des autres maîtresses.

En parfait goujat.Napoléon ne la la regarda plus, s'appliquant à présenter ses sentiments comme une fantaisie passagère." Il rougissait d'avoir été amoureux parce que c'était avouer qu'il avait été soumis à une puissance supérieure à la sienne"...

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En juin 1815, après Waterloo et l'abdication, alors que Napoléon s'est replié quelques jours à la Malmaison, Madame Duchâtel est une des rares à s'y rendre pour dire adieu à l'Empereur déchu, et lui ainsi lui donner un dernier gage de sa fidélité. 

Elle se consacre ensuite à l'éducation de ses enfants, puis, après la Restauration, à la mise en valeur du château de Mirambeau, en Saintonge, que son mari avait acquis en 1813 d'un descendant de la famille landaise des Caupenne d'Amou !
Le comte , à nouveau député en 1827 et pair de France en 1833, meurt en 1844 en son château à l'âge de quatre-vingt treize ans. 




Adèle meurt le 20 Mai 1860 à Paris dans sa soixante-dix huitième année et est inhumée dans la chapelle funéraire familiale du cimetière attenant à l'église de Mirambeau, en Charente-Maritime.
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